La figure de l'enfant sauvage : genèse et avatar de l'homme civilisé
Yann Craus  1, 2@  
1 : Institut d'Histoire et de philosophie des sciences et des techniques  (UMR 8590 IHPST)
Université Paris I - Panthéon-Sorbonne
2 : Institut des Humanités en Médecine  (IHM)

Nous proposons d'aborder la question de l'origine de l'être humain à partir de la figure de l'enfant sauvage qui apparait comme objet médical, anthropologique et politique, autour de l'année 1800. Nous préciserons comme préalable ce qu'il faut entendre ici par origine : genèse et essence – chenal et teneur pourraient aussi bien convenir – viennent le plus souvent compléter la quête ascensionnelle d'une source.

La science de l'homme, née de l'idéal des Lumières, trouve son plein développement dans la période révolutionnaire pour atteindre le statut de « paradigme républicain » (Chappey, 2006) sous le Directoire qui souhaite, sur cet appui, mener une entreprise de civilisation. Projet scientifique et projet politique se conjuguent dans la perspective de transformer l'homme, améliorer l'espèce humaine et perfectionner l'organisation sociale mais aussi individuelle.

En 1800, la découverte en Aveyron d'un enfant abandonné au développement troublé suscite des débats passionnés au cours de cette période de constitution unifiée des savoirs sur l'être humain. Présenté à la Société des observateurs de l'homme, qui réunit notamment médecins (Hallé, Pinel), naturalistes (Cuvier, Jussieu, Lacépède), idéologues et historiens, il sera l'objet de toutes les attentions scientifiques et politiques de son temps. La tentative pédagogique et thérapeutique de J.-M.-G. Itard marque l'histoire de l'éducation spécialisée et de la pédopsychiatrie (Gineste, 1981).

Cette étude célèbre de l'enfant sauvage concentre plusieurs grandes questions adressées en général aux différentes anthropogenèses : parts respectives de l'inné et de l'acquis, rapports entre animal et être humain (différence de nature, animalité en l'homme), inscription de l'individu dans la société (sauvagerie vs civilisation).

Cet enfant réputé modelable car éducable a suscité beaucoup d'intérêt et d'espoir dans l'effort de voir se développer in vivo l'humanité de cet être dépourvu. Ainsi, cette anthropogenèse s'appuie en quelque sorte sur une « pédogenèse ». Nous conclurons sur l'actualité de cette anthropopédogenèse.


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