La question de l'art et l'anthropogenèse
Maddalena Cataldi  1, 2@  
1 : Centre Alexandre Koyré - Centre de Recherche en Histoire des Sciences et des Techniques  (UMR 8560 CAK-CRHST)
École des Hautes Études en Sciences Sociales [EHESS], CNRS : UMR8560
2 : ATER
Université de Bordeaux (Bordeaux, France)

Depuis la découverte des pièces ornées en Dordogne (1864), l'émergence de la préhistoire en tant que discipline scientifique a mis la question de l'art primitif au centre de la réflexion des anthropologues. En effet, la datation relative ainsi que la « diagnose » du stade de civilisation (chasseurs, pasteurs, agriculteurs) des cultures préhistoriques et sauvages reposait sur les objets. En revanche, « l'art imitatif » ne pouvait pas être adopté comme un marqueur du degré de civilisation du peuple qui l'avait produit. Selon l'anthropologue anglais E.B. Tylor, le progrès de l'art ne suivait aucunement une trajectoire uniforme, tandis que le caractère linéaire du progrès technique permettait de comparer les stades analogues de peuples éloignés dans le temps et dans l'espace, mais ayant, par exemple, obtenu la maitrise des métaux. Ainsi, toute une gamme de positions théoriques émergeait pour définir l'art des peuples primitifs.

Ma contribution entend suivre ce débat fondateur de la discipline préhistorique tel qu'il se déroule au sein de la Société d'Anthropologie de Paris. Ici, la majorité des anthropologues matérialistes nient la pertinence de l'art en tant que marqueur du stade de civilisation d'un peuple. D'autres positions théoriques étaient néanmoins possibles. Selon Eugène Véron l'art serait un caractère naturel, voire le plus propre à l'homme puisqu'il constituerait un trait distinctif depuis les origines, à une époque où l'espèce humaine partageait encore nombre d'autres caractères avec les autres animaux. À travers l'étude des différents positionnements des anthropologues et préhistoriens, ma communication adoptera ce débat fondateur pour faire ressortir des questionnements qui dépassent finalement les frontières disciplinaires. Si la querelle autour des capacités artistiques des primitives recouvre un enjeu disciplinaire majeur, celui de la datation des représentations, il mérite aussi d'être appréhendé comme un débat sur le « propre de l'homme » et sur les étapes qui ont caractérisé sa longue histoire constitutive.


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